Les archives départementales de Haute Savoie fourmillent de documents concernant l’état de conservation des peintures murales de la chapelle des Barnabites et mettant en cause le mauvais fonctionnement des différentes administrations responsables de ce patrimoine.
En effet, on constate que la pièce sert de réserve hivernale de fruits installés sur des rayons posés contre les murs.
A maintes et maintes reprises, on presse les directeurs successifs de l’école d’agriculture de débarrasser la chapelle, de faire construire par les élèves un nouveau fruitier dans les anciennes serres.
Invariablement, les directeurs rétorquent qu’ils n’ont pas les fonds nécessaires, qu’ils n’ont pas d’autre local pour conserver les fruits, que les rayonnages ont été aménagés en dessous des fresques, qu’ils ont été posés en 1917...
Monsieur Camille Blanchard, architecte départemental, avoue en 1942, qu’il lui arrive d’autoriser des travaux et de régler des factures sans avoir vu les lieux, que les déplacements (à bicyclette), sont lents, difficiles, onéreux…
Interviennent des architectes (gouvernementaux, départementaux), des ministères (Education Nationale, Agriculture…), le sous-préfet, le préfet, le Conseil Général, le service des Beaux arts…
On constate, on se réunit, on établit des rapports, on menace, on écrit, on se renvoie la balle… Pendant vingt ans, aucune suite n’est donnée aux injonctions, aucun résultat n’est obtenu.
En 1936, Monsieur Trappier, conseiller général, maire de Cluses demande à qui incombe la responsabilité de cet état de fait, prétendant qu’il y a négligence de la part de l’Administration des Monuments Historiques qui n’a pas exercé une surveillance vigilante, mais également de l’Administration de l’école.
Il est regrettable dit-il, de constater que des œuvres d’art formant un patrimoine historique qui devrait nous être particulièrement cher, soient méconnues et abandonnées à l’altération dans les immeubles mêmes qui sont la propriété du département.
En outre, en ce qui concerne l’installation d’un nouveau fruitier et de la demande de crédit de 5 817 francs, on s’étonne que dans une école telle que celle de Contamine où l’artisanat a sa place, on ne puisse faire appel au concours de la main d’œuvre des élèves, qui trouveraient là un travail utile à accomplir et un exercice pratique intéressant.
Monsieur Gilbert Hartenstein, directeur depuis 1931, lui adresse une lettre amère, expliquant sa gestion, le manque de crédits… (toujours les mêmes arguments !)
Monsieur André Sallez, architecte en chef, met tout le monde d’accord en écrivant au Ministre Secrétaire d’Etat à l’Education Nationale un courrier, le 17 juin 1943 (extraits) :
« … l’ancienne chapelle où se trouvent les peintures murales sert de fruitier et est contigüe au local du chauffage central dont l’installation est antérieure au classement et est donc sillonnée de tuyaux de chauffage.
Ces peintures ne justifieraient pas la modification de l’installation du chauffage central et la construction d’un nouveau fruitier…
J’ai l’honneur de vous proposer le déclassement pur et simple de ces peintures murales… »
Suivent deux arrêtés ministériels, un rapport de Monsieur Mathey inspecteur des Monuments Historiques et le tour est joué :
Les peintures de la chapelle des Barnabites de Contamine-sur-Arve sont rayées des monuments historiques, le 12 juin 1944.
Ensuite on badigeonne les murs de la pièce (heureusement) et on continue tranquillement à conserver les fruits pendant les hivers qui se succèdent.
Ce sont les « Amis de la Grande Maison » qui démonteront les rayonnages, enlèveront le faux plafond et tous les gravats, les déposeront dans le camion de la commune mis à leur disposition, en 1999.
Cotes : 4 T 19 – SC 38676 - 33 W 19, aux Archives Départementales de Haute Savoie.
